LA PEINTURE SONORE D’APRÈS VAN NEVEL

Quelles musiques aurait pu entendre le peintre espagnol Zurbarán ? Paul Van Nevel répond à cette interrogation avec le génie qui le caractérise.

À la faveur de l’actuelle exposition consacrée au peintre espagnol Francisco de Zurbarán au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, l’Ensemble Huelgas fait paraître une superbe anthologie musicale, rassemblant quelques œuvres ayant pu être jouées dans l’environnement du peintre. Principalement des œuvres sacrées du XVIIe siècle, souvent inédites, de compositeurs rarement joués voire pratiquement inconnus aujourd’hui, tels Miguel de Ambiela ou Manuel Machado. Un oubli notamment dû au relatif isolement des compositeurs de la péninsule ibérique, restés longtemps en marge de l’avancée du nouveau style monodique baroque, et de la seconda prattica.
Des œuvres en stile antico, donc, parmi lesquelles quelques magnifiques découvertes, telles les Lamentations de Fray José de Vaquedano, ou le Lauda Sion de Juan Garcia de Salazar. Car il ne s’agit pas de vestiges archaïsants, mais d’œuvres d’une grande originalité stylistique : on y entend des sonorités neuves, particulièrement expressives : ainsi les incessantes septièmes, les sixte et quinte du Lauda Sion, particulièrement frappants ; les mélismes grandioses des Lamentations : des zestes de sensualité, qui se glissent dans l’austérité du contrepoint en style ancien. Un contraste interne qui n’est sans rappeler l’ascèse des mystiques espagnols, comme moyen d’atteindre une extase religieuse et sensuelle. Trois pièces profanes viennent compléter ce panorama : tirées d’un manuscrit copié à la Chapelle royale de Madrid vers 1624-1625, elles sont issues d’un environnement très proche de celui du peintre, et révèlent également un style musical typiquement espagnol, à la fois sobre et coloré, dont peu de témoignages sont à ce jour disponibles au disque.