Avant de fermer ses portes pour travaux, le Théâtre du Châtelet prête ses murs à l’Opéra Comique (lui aussi fermé pour travaux, les amateurs de BTP peuvent s’arrêter là, je n’irai pas plus loin dans les détails techniques) pour la réouverture de sa saison.
Première production du Comique depuis 2015, et dernier spectacle à voir au Châtelet avant deux ans, ce Fantasio est l’événement de ce début d’année. Créé – à l’Opéra Comique justement – en 1872, par un Offenbach plutôt apprécié pour son humour potache et sa musique enlevée que pour le poète qui sommeille en lui, l’ouvrage sera retiré de l’affiche après 14 représentations, et ne sera pour ainsi dire plus donné jusqu’à nos jours.
Et c’est tapi au fond des partothèques obscures qu’il attendait une belle renaissance scénique.
C’est chose faite depuis le 12 février dernier avec ce spectacle de Thomas Jolly, chef d’oeuvre de mélancolie et de poésie ténébreuse. Deuxième mise en scène d’opéra – après un Eliogabalo à l’accueil mitigé à l’Opéra de Paris il y a quelques mois – du jeune prodige de la scène théâtrale, ce Fantasio permet de rendre justice au talent kaléidoscopique d’écriture d’Offenbach, mais aussi au raffinement de celle d’Alfred de Musset. Jeune étudiant bravache, Fantasio tombe amoureux de la princesse Elsbeth alors que cette dernière est promise à un prince lourdaud. Engagé comme bouffon à la cour, le beau jeune homme parviendra à se rapprocher de l’aimée et à s’attirer ses faveurs.
Ici, ledit jeune homme c’est la mezzo-soprano Marianne Crebassa, habituée des rôles en pantalon, et nouvelle coqueluche de la scène lyrique depuis un premier disque chez Erato il y a quelques mois et une Victoire de la Musique Classique il y a quelques semaines. Et le moins que l’on puisse dire c’est que la chanteuse brûle les planches. Guidée par une direction d’acteur plus qu’avisée, la jeune femme séduit autant par son jeu que par son chant. Et quel chant ! Un timbre onctueux, accompagné d’une projection admirable, viennent dès les premières notes du « Voyez dans la nuit brune », son premier air, tapisser de miel les oreilles de l’auditeur.
S’il fallait une seule bonne raison de courir au Châtelet ce serait elle (ô miracle, il reste des places).
Pour la vraie réouverture de l’Opéra Comique il faudra attendre le 26 avril prochain pour la redécouvert d’une autre pépite du répertoire français, Alcione de Marin Marais.
Fantasio de J. Offenbach jusqu’au 22 février au Théâtre du Châtelet. http://www.opera-comique.com/fr/saisons/saison-2017/fantasio